Argentine

43 ans de lutte pour les Mères de la Place de Mai

Depuis avril 1977, tous les jeudis sans exception, les "Mères de la place de Mai" manifestent pour connaître la vérité sur leurs proches disparus au cours de la dictature militaire des années 70 en Argentine. Aujourd'hui elles ne sont plus que 10, la plupart sont décédées ou ont des problèmes de santé. Nous avons rencontré Carmen, dont le frère a été porté disparu en 1977. Elle nous a raconté son combat depuis 43 ans, nous a fait visité leur siège et nous a fait part de sa vision du futur pour leur lutte.

Réalisation et montage : Flore Desal et Camille Tochon

Publié le :
16/4/2017

Vieillissement en Argentine : "La situation des personnes âgées a empiré"


À Buenos Aires, l’équipe "Les Vieux du monde entier #2" a rencontré Isabel Lovrincevich, spécialiste du vieillissement en Argentine, responsable du Centre Vieillissement Actif iSALUD à l’université de Buenos Aires et secrétaire technique de l’ONG HelpAge de la région Amérique latine. Elle nous a expliqué les spécificités du vieillissement dans la région et en Argentine.

À gauche, Isabel Lovrincevich. A droite, Rafael Kohanoff, ingénieur de 94 ans


Isabel, pourriez-vous dresser un état des lieux du vieillissement en Argentine ?

Isabel :
L’ Argentine est un pays déjà bien avancé dans sa transition démographique : 25% de la population de Buenos Aires, la capitale, est déjà âgée de 60 ans et plus. En 2050, il y a aura plus de personnes de plus de 65 ans que de moins de 14 ans. L’Argentine a aussi un taux de fertilité de 1.8 enfants par femme, autre preuve que la transition démographique du pays est bien avancée.

Mais la question du vieillissement n’est pas la priorité de notre gouvernement. Les questions économiques, comme contenir l’inflation et diminuer le taux de chômage, sont prioritaires (ndlr : taux de chômage de 10,1% au premier trimestre 2019 selon l’Institut National des Statistiques). L’Argentine a pour particularité d’avoir vu la situation de ses retraités s’empirer ces dernières années. Beaucoup de services sont gratuits, comme l’éducation et la santé. Cependant, la mauvaise gestion des administrations et la corruption font qu’ils ne fonctionnent pas correctement. La corruption est un problème structurel en Amérique latine, comme l’est l’échec des plans de long terme des gouvernements.

Vous dites que la situation des personnes âgées s’est empirée, comment cela se manifeste-t-il ?

Nous sommes quand même bien mieux lotis que la majorité des autres pays du continent. Malgré tout, notre situation est moins confortable qu’il y a 15 ans. La valeur du panier d’achat d’une personne âgée se situe aux alentours de 35 000 pesos (482 euros) par mois. La retraite perçue n’est que de 14 000 pesos (193 euros). Vous voyez le problème. Ce panier ne comprend pas le coût du loyer. Le coût de l’électricité, de l’eau, du gaz ont augmenté ces derniers temps (ndlr : l’inflation a grimpé à plus de 52% cette année). C’est difficile pour les personnes âgées et la situation empire.

Pour autant les personnes âgées, elles au moins perçoivent un revenu tous les mois. Ce n’est pas le cas des jeunes générations fortement touchées par le niveau de chômage élevé dans notre pays (ndlr : le taux de chômage chez les jeunes est le plus élevé de la région selon des données récentes du CIPPEC — Center for the Implementation of Public Policies for Equity and Growth). Près de 2 jeunes Argentins sur 10 sont au chômage, soit deux fois plus que la population adulte dans la même situation). Dans nombre de cas, ce sont les grands-parents qui doivent subvenir aux besoins de toute la famille. Certes la situation s’est empirée pour les personnes âgées, mais elle s’est aggravée toutes générations confondues.


Quelle est la différence entre la situation du vieillissement en Argentine et celle du reste des pays d’Amérique latine ?

Contrairement au reste du continent, nous avons une classe moyenne très importante. Le taux de couverture à la retraite des personnes âgées est aussi très élevé par rapport aux autres pays d’Amérique latine. Il avoisine les 95%. Autrement dit, sur 6 millions de retraités, 5 millions et demi touchent une pension. C’est une chance, même si le montant de cette pension n’est pas très élevé, comme je l’ai dit précédemment.

Des initiatives innovantes sont-elles mises en place pour les personnes âgées ?


Une spécificité de l’Argentine sont les “Centros de Jubilación” (“Centre pour retraités”). Des locaux sont mis à disposition par les municipalités aux seniors volontaires de la ville. Ce sont les personnes âgées elles-mêmes qui s’assurent de la bonne gestion et de l’organisation des activités du centre. L’idée est ingénieuse, les personnes âgées sont incitées à être maître de leur temps et de leurs activités. Qui mieux que les seniors pour mettre en place des occupations qui leur plaisent ? Malheureusement, ces centres jouissent d’une mauvaise réputation, ils sont associés à beaucoup de préjugés sur la vieillesse : ennui, morosité etc. De nombreuses personnes âgées elles-mêmes ne souhaitent pas s’y rendre pour ne pas s’associer à ces clichés.

Des femmes rencontrées dans un "centro de jubilación" à Buenos Aires


Il y a très peu d’acteurs engagés sur la thématique du vieillissement actif et positif et tous sont situés à Buenos Aires. Plusieurs initiatives intéressantes ont été mises en place, comme des seniors volontaires guides dans des musées ou la création d’un podcast où les personnes âgées sont les journalistes et créent leurs sujets (ndlr : Programme La Voz de las personas mayores de la Fondation Navarro Viola). Mais ces débuts d’initiatives ne sont pas unifiés et perdent de leur efficacité. La majorité n’est connue qu’auprès des plus aisés et éduqués. Il faudrait les rendre accessibles au plus grand nombre.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?


Je fais partie de la commission pour la protection des Droits de l’Homme des Personnes Âgées en Argentine. C’est un peu mon cheval de bataille. Un traité international a été écrit, beaucoup de pays d’Amérique latine l’ont ratifié dont l’Argentine fait partie. Il s’agit d’un traité à mon avis fondamental pour rappeler le droit des personnes âgées et pour mettre en place les institutions pour les défendre. J’espère que la population sera mieux sensibilisée à ce sujet à l’avenir.

— Texte et photos : Flore Desal et Camille Tochon

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