Argentine

Fanny, 82 ans de "jeunesse accumulée"

"On a l'âge de nos projets" répète Fanny Mandelbaum, journaliste de 82 ans. Qui n'a pas entendu parler d'elle en Argentine Présentatrice de télévision et de radio iconique depuis plus d'un demi-siècle, elle continue d'animer chaque semaine ses émissions, où elle met à l'honneur ceux qui l'inspirent, notamment des personnes âgées. Nous l'avons rencontrée en février dernier, elle nous a raconté sa carrière, ses meilleurs souvenirs et nous a montré quelques uns de ses nombreux prix.

Réalisation et montage : Flore Desal et Camille Tochon

Publié le :
30/4/2017

La "nouvelle longévité", une approche novatrice pour aborder sa 2ème partie de vie.


Le Docteur Diego Bernardini est médecin, universitaire, chercheur et conférencier argentin, spécialiste de la santé et du bien-être chez les personnes âgées. Il a créé le concept de "nouvelle longévité", largement relayé en Argentine. Peu après leurs tournages sur les projets innovants pour les personnes âgées en Argentine, Flore et Camille, de l’équipe des "Vieux du monde entier" d’Oldyssey, ont échangé avec lui par téléphone. Le docteur Bernardini leur a parlé des clés pour réfléchir différemment aux années à venir une fois le cap des cinquante ans atteint. L’objectif ? Profiter pleinement de cette "seconde moitié de vie".

Le docteur Diego Bernardini


Docteur Bernardini, pouvez-nous nous expliquer ce qu’est le concept de la "nouvelle longévité" ?

Dr Diego Bernardini :
La "nouvelle longévité" est la nouvelle moitié de la vie. Aujourd’hui, le concept de longévité a évolué, il s’exprime d’une manière nouvelle, novatrice. Les personnes âgées ne veulent plus renoncer à leur confort, à leur bien-être, elles ne veulent pas devenir passives. Elles veulent tomber amoureuses, avoir de nouveaux projets. Je parle de "nouvelle longévité" car la société a été mue pendant longtemps par des normes, des croyances, des stéréotypes sur les seniors propres au siècle passé. Au XXème siècle, la productivité et le travail étaient les deux notions qui prévalaient. C’est un siècle qui a voué un culte à la jeunesse. Dès lors, une fois à la retraite, la personne âgée était destinée à s’effacer progressivement de la société.

Mais c’est en train de changer : nous avons de moins en moins d’enfants, nous vivons plus longtemps. Nous souhaitons écrire une nouvelle moitié de vie prête à transformer la société. Désormais, nous formons une société en grande partie composée d’adultes et de personnes âgées, ne l’oublions pas.

C’est un concept transversal. A la différence du "vieillissement actif", principalement orienté vers les pouvoirs publics, la "nouvelle longévité" aspire à croiser toutes les dimensions sociales. La nouvelle longévité est choisie et incarnée par les personnes âgées elles-mêmes. Le concept se veut complet et multidimensionnel.

À partir de quel moment peut-on dire que nous entrons dans cette nouvelle longévité ?

La nouvelle longévité commence à un moment très symbolique, le cap des 50 ans. A ce moment-là, nous ne savons pas combien de temps il nous reste à vivre. Alors qu’avant, nous étions quasiment certains d’arriver jusqu’à la cinquantaine. A 50 ans, nous avons en général une famille, des amis, et une vie professionnelle établie. A 50 ans, nous avons et savons faire des choix. Nous savons aussi que le temps est précieux. Pour la première fois, nous commençons à entrevoir une fin, à franchir des étapes symboliques. Nous commençons à nous dire "dans 10, 15 ans je serais retraité" ou "dans 10 ans je serais considéré comme une personne du 3ème âge". Je pense que cette seconde moitié de vie est un moment crucial. Il est primordial de réfléchir à ce moment-là sur ce que nous voulons, aimons et aimerions être dans les décennies à venir.

Vous dites : "La nouvelle longévité transforme la société". Comment la transforme-t-elle ?


Effectivement, la nouvelle longévité est en train de transformer la société. Des études scientifiques de plus en plus courantes nous montrent que les personnes âgées ne sont plus une classe passive, sans revendications, comme nous les imaginions autrefois.

Nous le voyons, les personnes âgées d’aujourd’hui sont plus éduquées, plus aisées que les générations précédentes. Elles ont vécus des bouleversements historiques et sociétaux sans précédent. Nous ne pouvons pas attendre de ces personnes, une fois âgées, qu’elles soient passives. Cette génération est prête à s’engager pour des causes qui leur sont chères.

Elles ont également la chance de vivre plus longtemps. Pourtant, on leur dit que la vieillesse est synonyme de maladie, de dépendance, d’inactivité. La majeure partie des personnes âgées de demain seront des personnes indépendantes, autonomes et en bonne santé. Elles veulent avoir leurs projets, prendre soin de leurs petits enfants — mais à "temps partiel" seulement. Elles veulent continuer à voyager avec des amis, tomber amoureuses, se séparer, etc. Voilà les personnes âgées de demain.

Aujourd’hui, nous savons que les personnes âgées représentent une aubaine économique, c’est la "silver economy". C’est la troisième économie du monde. Nous avons pu voir que les personnes âgées ont conditionné les votes pour le Brexit, qu’elles contrôlent 70% ou plus de l’économie domestique en Amérique du Nord… Elles représentent un marché émergent, peu étudié et encore insuffisamment pris en compte. Les seniors ont des liens avec le politique, l’économie en tant que travailleurs, entrepreneurs et bien sûr en tant que consommateurs. Ils transforment notre réalité sociale, ils représentent autant d’opportunité que de défis, comme la solitude et l’autonomie.

Comment vous est venue l’idée de ce concept ?

Ce concept m’est venu par surprise. Durant mes 30 ans de carrière en tant que médecin auprès des personnes âgées, je me suis rendu compte que les gens ont besoin d’étiquettes. Les mots pour désigner les personnes âgées ne sont pas très positifs et véhiculent des images négatives, des préjugés, comme "tsunami" ou "bombe à retardement". Par exemple, quand je dis "senior”, je mets une étiquette sur des personnes comme c’est le cas quand nous employons le terme "millénial".

Avec le concept de "nouvelle longévité", je voulais introduire un nouveau concept positif et innovant. La “nouvelle longévité” peut devenir l’étape la plus longue de notre vie. Elle a des caractéristiques propres au 21ème siècle comme une manière de vivre indépendante et remplie de projets.

Une femme membre du groupe de musique Papelnonos en Argentine


J’ai été surpris de constater que beaucoup de personnes sont entrées en contact avec moi, des académiciens, des soignants, etc. pour me demander s’ils pouvaient emprunter ce concept, que je leur apporte des données, des aides bibliographiques. Je me suis rendu compte que celui-ci venait remplir un espace, un vide. Aucun concept, ni mot équivalent n’existait, ni en Argentine, ni dans le monde.

Quels conseils pouvez-vous donner aux personnes pour vivre pleinement cette seconde moitié de vie ? Quel rôle doit jouer la société à cet égard ?

Plus que des conseils, je pense que la vision que tout le monde devrait avoir est que la vie est composée de transitions, de changements, seconde moitié de vie ou non.

Nous savons que la santé est un capital précieux. Nous pouvons investir sur certains points pour l’augmenter et non le diminuer. Ainsi, vous pourrez accroître vos chances de vivre une seconde moitié de vie satisfaisante, autonome, et indépendante.

Selon des études, nous savons qu’il y a des activités qui non seulement augmentent l’espérance de vie, la longévité, mais aussi améliorent la qualité de vie. Nous savons que l’activité physique en fait partie, qu’une alimentation équilibrée également, que les contacts sociaux sont très importants. Les stimuli cognitifs sont aussi importants, et nous savons qu’avoir des projets, un plan de vie est fondamental.

Fanny Mandelbaum, journaliste radio et télévision à 82 ans


Ces recommandations sont basées sur la façon dont nous pensons cette seconde moitié de vie. Aujourd’hui, nous sommes conscients que nous avons les moyens de la construire, de la planifier, qu’il n’est jamais trop tard pour commencer à faire des activités physiques, pour changer notre alimentation, pour se lancer dans de nouveaux projets. Il n’est jamais trop tard pour ce changement.

Quels clichés sur la vieillesse souhaitez-vous changer ?

Deux aspects principalement : les droits des personnes âgées et leur dignité. Je trouve que la société porte atteinte à la dignité et aux droits des personnes âgées. Ce n’est pas parce que nous gagnons des années que devons perdre des droits. Nous négligeons les droits qui leur reviennent alors même que les personnes âgées sont d’une certaine manière, les « producteurs » de notre société. Ce sont eux qui sont les initiateurs des changements que nous vivons aujourd’hui. Par droit, j’entends celui de prendre des décisions, dans la mesure du possible, et de les voir respectées. Nous rencontrons aujourd’hui de nouveaux défis sociaux au sujet de l’accès à une mort digne. Des défis éthiques se posent afin de savoir si les enfants peuvent prendre des décisions pour leurs parents âgés. L’Etat doit se positionner sur le sujet.

L’espace commun doit être adapté à tous les âges, les possibilités et les opportunités doivent être offertes à toutes les couches de la population. Nous devons considérer que les personnes âgées ne peuvent voir leur dignité violée seulement parce qu’elles sont âgées. À partir de là, je pense qu’une société qui respecte tout le monde, prend ses responsabilités, écoute tout le monde et donne de l’espace aux aux personnes âgée sera bien sûr une société meilleure pour tout le monde.

— Texte et photos : Flore Desal et Camille Tochon

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