Le ciselier

Dans son atelier, Hubert Floriot fabrique des ciseaux pour toutes les professions. Il fait partie des derniers ciseliers à travailler de manière artisanale — sur le bassin nogentais, berceau de la cisellerie, ils étaient plus de 5 000 dans les années 1970. Malgré le déclin, des jeunes viennent encore se former auprès de l'artisan de 89 ans.

— Réalisation : Clément Boxebeld, Adèle Cailleteau | Montage : Christophe Bleuse

Publié le :
24/9/2022

Chacun attelé à sa tâche, les employés d’Hubert Floriot travaillent en silence. Une est à la meuleuse, un autre fait des étincelles en formant des manches. Le troisième assemble des ciseaux à raisins. Le modèle est travaillé, des grappes se dessinent sur les deux parties de la paire.


C’est que des paires de ciseaux, il y en a pour tous les usages : les "poils de nez", arrondis au bout pour ne pas se blesser, des "tailleurs" pour découper les gros tissus, des "couturières", des "lingères", des paires rétractables à glisser dans son sac, des "cigognes" et même des "petits monstres"*. Chez Hubert, patron des lieux qui réside juste à côté de l’atelier — "ça ne fait pas long pour aller travailler" —, il y en a toute une collection accrochée au mur, avec même des ciseaux fabriqués par le grand-père de sa femme à l’occasion de l’exposition universelle de 1914.

Une tradition familiale


Après avoir enfilé son bleu de travail, Hubert Floriot est opérationnel, prêt à assembler des faucilles. Ce ne sont pas ses premières : il a repris l’entreprise de son beau-père en 1968. Une tradition familiale, parce qu’on est dans le bassin nogentais, en Haute-Marne, berceau de la cisellerie. Dans les années 1970, plus de 5 000 ouvriers travaillaient dans le domaine. Ils ne sont plus que 1 500 aujourd’hui si on compte tous les débouchés (avec les instruments chirurgicaux, l’aéronautique, l’automobile) et seulement une trentaine à avoir encore une activité traditionnelle en coutellerie et cisellerie.

Un artisanat en déclin


Pour ce chef d’entreprise de 88 ans — il ne les fait pas —, la raison de ce déclin est limpide : la grande distribution, qui se fournit dans des pays aux standards de fabrication bien plus bas qu’en France. Même s’il ressent un petit regain d’intérêt pour son métier de ciselier, son savoir-faire va finir par disparaître, il s’y est résolu.

L’entreprise FloriotVisto ne manque pourtant pas de travail. Ses principaux clients sont des professionnels qui ont besoin de bons outils pour leurs fabrications. Alors le chef continue à travailler, parce que son métier lui plaît et qu’il aime le contact avec ses jeunes collègues. Mais aussi parce qu’il ne trouve pas de repreneur. "Aujourd’hui, ces affaires-là, c’est presque invendable. Et arrêter tout [sans repreneur], licencier le personnel, voir l’huissier qui commence à tout ferrailler, je ne verrais pas ça d’un très bon œil."

Les ciseaux chantent


Son chien aboit, Milord - "c’était l’année des M" - veut sortir. Sur le chemin, les caisses remplies de paires de ciseaux ou d’"ébauches" se succèdent. C’est ça que Hubert Floriot achète auprès de forgerons pour fabriquer ses ciseaux : il prépare les lames et les assemble en paires. Dessus, on lit "Nogent". C’est local.

Dès qu’il attrape des ciseaux, l’octogénaire se met à couper dans le vide. Quand on lui demande si les ciseaux chantent, il rigole : "C’est du folklore, ça !" Mais à force d’entendre des clics-clacs, il les rapproche de ses oreilles et admet qu’ils ont bien un petit son bien à eux.

*Les ciseaux cigogne, sur lesquels l’oiseau est représenté, sont surtout utilisés en broderie. Tout comme les petits monstres, reconnaissables à leurs lames très courtes et énormes anneaux où passer les doigts.

— Texte : Adèle Cailleteau, Photos : Clément Boxebeld, Adèle Cailleteau

Papyrus

Le portrait des vieux de la vieille, l'histoire des savoir-faire et les coulisses du média, on vous dit tout dans la newsletter papyrus.

En soumettant ce formulaire, vous affirmez avoir pris connaissance de notre Politique de confidentialité.
Votre demande a bien été prise en compte !
Une erreur s'est produite ! Si vous n'arrivez pas à vous inscrire, veuillez réessayer ultérieurement ou contactez-nous sur contact@oldyssey.org. Merci !"

Suivez Oldyssey sur

Contactez-nous

Contact@Oldyssey.org